A Nice, on recrute dans le noir

Trouver sa voie dans l’obscurité en misant sur sa voix. C’est ce qu’a proposé le 1er février dernier la métropole Nice Côte d’Azur en organisant des entretiens de recrutements dans le noir. Une initiative inédite en France. Une trentaine de candidats ont fait face, sans les connaître, ni les voir, à une quinzaine de recruteurs.

Un gadget ? Les organisateurs s’en défendent. L’objectif est de mettre tout le monde sur un pied d’égalité. Adieu les a priori sur le physique, l’apparence, la couleur de peau. Le côté surréaliste du moment désacralise le côté grand oral de l’entretien de recrutement. L’absence de regard estompe l’impression d’être scruté, jugé qui ajoute en général une bonne dose de pression et de trac.

Cette opération illustre à merveille deux éléments. D’une part, une inclinaison indéniable de notre époque vers l’« atypisme ». Plus que jamais il faut être original et sortir des sentiers battus. Les recruteurs assurent rechercher avant tout des profils atypiques, certains dirigeants soignent leur parcours atypique, les cabinets de coaching proposent des accompagnements atypiques (walking coaching, flash-coaching, réunions en co-walking…). Alors, bienvenue aux techniques de recrutement et de management atypiques, elles ont de beaux jours devant elles.

D’autre part, cette initiative de recrutement dans le noir met l’accent sur un fondamental : l’importance de bien placer et utiliser sa voix. Travailler sur ses possibilités souvent insoupçonnées, sur ses nuances, est un basique en prise de parole que l’on oublie trop souvent lors d’entretiens stratégiques. Dans ces moments à fort enjeu, le réflexe est bien souvent de tout miser sur le contenu et sur l’apparence. En gommant totalement le visuel, les recrutements dans l’obscurité soulignent l’importance de la voix comme vecteur d’impressions comme de sens. Un peu comme la radio par rapport à la télévision. Preuve que cela se travaille, les candidats auditionnés à Nice ont eu droit à 3 semaines de préparation et d’accompagnement. Y compris… en matière d’habillement et de coiffure ! Ce n’est pas paradoxal : quand on se sent bien et qu’on assume son apparence, cela s’entend lorsqu’on s’exprime, dans le noir comme en pleine lumière.

L’expérience niçoise a donc des vertus. Tous les recruteurs et responsables RH ne vont pas se mettre à recruter dans le noir à tour de bras et installer des « dark lab » en annexe de leur bureau. Mais nul doute que l’initiative donne à réfléchir et sera reconduite. A Nice (la mairie a décidé de mettre en place ce type d’entretiens) et ailleurs.

Sexisme ordinaire : quand les entreprises s’allient et agissent (concrètement)

Quel est le point commun entre L’Oréal, l’Ecole Polytechnique et la SNCF ? Le combat contre le sexisme ordinaire. Ce sexisme qui, à force de petites réflexions d’un autre âge évoluant en réflexes de la vie quotidienne, dévalorisent au point d’entraver parfois la carrière professionnelle. Le quotidien Les Echos vient d’établir un état des lieux instructif sur le mouvement #StOpE. L’initiative est impulsée par 3 grands groupes : L’Oréal France, EY et AccorHotels. D’autres acteurs (1), notamment des grandes entreprises, ont rejoint le mouvement.

L’initiative entend aller bien au-delà de l’affichage, de la posture collant à l’air du temps et de la charte parée de bonnes intentions. L’adhésion au mouvement suppose de signer un acte d’engagement complété par un livret de bonnes pratiques, qui détaille les mesures à adopter au plus vite pour bannir le sexisme ordinaire de l’entreprise. En clair, il propose un cadre pratique et des actions concrètes. Par exemple : sensibiliser les collaborateurs aux impacts des actes et réflexions sexistes, mettre en place des formations ciblées, diffuser aux salariés des outils pédagogiques, accompagner les victimes de manière personnalisée… On ne fournit pas seulement aux entreprises des principes à parapher, on leur propose des leviers à actionner. Chaque entreprise signataire promet de mettre en place au moins une de ces mesures dans l’année qui vient.

Le succès de l’opération dépend bien sûr du nombre de signataires, mais aussi de l’aspect collaboratif de la démarche, à travers les échanges de témoignages et de pratiques. Ainsi, Les Echos raconte comment L’Oréal a décidé, en prenant exemple sur EY, de diffuser les propos sexistes entendus dans ses murs. Du genre « viens avec nous, il faut bien qu’il y ait une femme. Tu seras notre atout charme ». Ou alors, encore plus spécieux : « Je tente de promouvoir les femmes, bien que les dossiers soient techniques ». Comme l’explique Anne-Laure Thomas, directrice Diversités et Inclusion chez L’Oréal France, « mettre en lumière ces verbatims permet d’expliquer ce qu’est le sexisme, en rappelant qu’il est interdit ».

Le mouvement #StOpE est lancé par des grands groupes, mais il a vocation à rallier des entreprises et organisations de toutes tailles et de tous secteurs. Pour grandir et inspirer. Et aller au-delà des opérations symboliques et occasionnelles, finalement peu efficaces. Qui savait que le 24 janvier dernier, c’était la journée nationale de lutte contre le sexisme ?

(1) 30 engagés dans le mouvement : Accenture, AccorHotels, AccorInvest, Air France, Aviva, Axa, BNP Paribas, EDF, Dior, Ecole Polytechnique, Engie, EY, France TV, HPE, IBM, L’Oréal France, Lagardère, Lenovo, LVMH, Michelin, Orange, PageGroup, Schneider Electric, Siemens, Société Générale, SNCF, Solvay, Suez, The Adecco Group et Total.

Réunions : encore trop nombreuses et trop longues !

Si on en croit la dernière enquête Ifop sur le sujet, la réunionite aigüe se porte toujours très bien, merci. Les cadres français passent environ 4 heures par semaine en réunion, selon une répartition de 3 à 4 rendez-vous de plus d’une heure chacun. Sur une année, cela représente tout de même 27 jours de travail ! Si encore ces réunions étaient perçues comme efficaces… Seulement 12% des cadres interrogés estiment que ces rendez-vous sont productifs. Autant dire qu’il y a encore une bonne marge de manœuvre pour optimiser la pratique de la réunion en France, qui, enquête après enquête, souffre des mêmes maux : trop nombreuses, trop longues, peu ou pas utiles.

Le mal semble toucher particulièrement les grandes entreprises et les cadres les mieux rémunérés. L’enquête ne chiffre pas exactement le coût salarial par heure de réunion, mais nul doute qu’il pourrait être réduit.

Pire, la réunionite aigüe n’est pas l’apanage du secteur privé. Les fonctionnaires aussi s’en plaignent, massivement même.

Revient alors l’éternelle question : comment optimiser sensiblement la productivité des réunions ?

Faut-il s’inspirer des méthodes américaines, consistant à faire des réunions debout, voire en marchant ? Se limiter à des micro-échanges ultra synthétisés façon « elevator pitch » ?

Avant de passer d’un extrême à l’autre et d’instaurer une « thérapie de choc », rappelons ici un premier principe de base : il y a 3 temps dans une réunion. L’avant, le pendant, l’après. Ces 3 temps sont à préparer et à soigner de la même manière.

Avant, c’est ciseler la liste des participants (leur nombre devant être aussi réduit que possible), définir la répartition des rôles, établir un ordre du jour à la fois précis et cohérent, décider d’une heure de début, de fin, et d’une durée (et s’y tenir). Pour ce faire, un certain nombre d’échanges préalables avec les collaborateurs est indispensable.

Pendant, c’est tout le travail d’animation, qui requiert une vraie compétence. Il faut éveiller, entretenir l’intérêt de tous et de chacun, s’assurer que tout le monde participe, s’implique en étant moteur d’une dynamique de groupe. Il est nécessaire de veiller à la brièveté et l’efficacité des échanges, leur diversité mais en même temps leur pertinence en fonction de l’ordre du jour prévu. Il faut canaliser les débats tout en gardant un œil sur l’horloge. Pour l’animateur de la réunion (car il en faut un), le temps va passer très vite car la tâche est conséquente. Indispensable avant de se quitter : clôturer clairement les échanges en recueillant le ressenti de chacun.

Après, c’est rédiger un compte-rendu synthétique. L’objectif est de mettre en avant les messages clefs, valoriser et capitaliser sur les décisions prises lors de la réunion, rappeler les moyens d’y parvenir. Cette synthèse a pour vocation de servir de préambule à la prochaine réunion qui sera programmée… le plus tard possible.

Le « smooth management » a-t-il du plomb dans l’aile ?

Relayée en pleine torpeur estivale, l’info a tout de même fait froncer quelques sourcils. La Cour de cassation a définitivement validé le licenciement d’un manager, remercié par son entreprise qui le jugeait trop proche de ses collaborateurs. Ce directeur d’une société de maintenance d’équipement de chauffage, embauché en 2008, a été congédié cinq ans plus tard pour deux motifs : il ne supportait « aucune critique » selon son employeur, et son comportement était jugé « trop familier » avec ses collègues. Cette décision est remarquable à plus d’un titre. D’une part c’est la première fois qu’un licenciement est justifié par une trop grande proximité entre un manager et ses collaborateurs. D’autre part la justice va à rebours des valeurs mises en avant dans une entreprise « moderne » : un management « doux », basé sur la proximité, le positif, la bienveillance, l’écoute.

Les partisans d’un management plus humain en sont donc pour leurs frais et considèrent que le la justice envoie un bien mauvais message, à l’heure où le harcèlement moral et la multiplication des burn-out sont pointés du doigt.

De là à dire que la justice vient de remettre au goût du jour le management à l’ancienne, plus dur, où seules la distance, la tyrannie et la pression ont droit de cité dans l’entreprise, il y a un pas qu’il convient de ne pas franchir. Même si cet arrêt de la Cour de Cassation entre désormais dans la jurisprudence du droit social, s’appuyer sur cette décision pour justifier un management rugueux et impitoyable serait une erreur. Sur un cas particulier, la justice a estimé qu’un management trop cool pouvait empêcher la prise de sanctions contre les manquements et les arbitrages nécessaires à assurer au quotidien. Soit. Cela ne doit pas empêcher les entreprises de développer, à leur échelle, et en s’adaptant à leurs équipes, un management à la fois humain et efficace, où gentillesse ne rime pas avec faiblesse, et où autorité ne s’oppose pas à proximité. Où surveiller et sanctionner n’interdit pas d’écouter, féliciter, encourager et récompenser. Dans le management comme dans bien des domaines, tout est question de mesure. Un bon manager affûte sa communication et ses comportements pour tenir ses équipes et les faire avancer, dans le respect réciproque et une ambiance de travail aussi efficace qu’apaisée.

L’arrêt de la plus haute juridiction ne change rien à l’affaire. Un bon dirigeant et un bon manager sauront le lire avec la distance nécessaire.

Nouvel impératif pour les entreprises : intégrer le phénomène #MeToo

Le monde de l’entreprise, comme d’autres juste avant lui, doit faire face à la nouvelle donne imposée par le mouvement #MeToo. Ce mouvement, qui existe en pointillé depuis plus de 10 ans, s’est changé en brusque lame de fond depuis le scandale Weinstein, l’an dernier outre-Atlantique. A l’instar d’Hollywood, puis de l’ensemble du monde artistique, médiatique et politique, les entreprises se retrouvent challengées sur cette question et doivent traiter avec une nouvelle urgence les risques de scandales en interne, d’affaires de harcèlements (moral ou sexuel), de discriminations ou de management oppressif. Des questions sur lesquelles la société dans son ensemble évolue et réclame désormais des comptes. L’équipementier Nike vient d’en faire l’expérience et doit gérer, outre des démissions de cadres dirigeants en cascade, une polémique à rebours de ses valeurs affichées et alimentée par des articles de presse ravageurs en matière d’image. Le phénomène est sociétal, global et concerne désormais toute entreprise, organisation, institution. Pour ne parler que de l’actualité de ces derniers jours, L’académie des prix Nobel se retrouve secouée par une affaire de harcèlement sexuel, entraînant le report d’un an de la remise du prix de Littérature, une première depuis 1943. Du côté des médias, le tournage de la 19e édition de Koh-Lanta vient d’être interrompu. L’émission phare de TF1 est annulée en catastrophe pour une affaire d’agression sexuelle dont les détails et rebondissements sont désormais distillés dans la presse au fil des jours.

Dans tous les secteurs d’activité, les entreprises se voient contraintes d’intégrer, et vite, le fait que les comportements douteux, voire scandaleux en interne, peuvent être étendus et exposés à tout moment sur la place publique. Et ce, sous les regards outrés d’un public devenu très sensible, prompt à réagir de manière épidermique face aux affaires de harcèlement sexuel, de comportements sexistes et machistes.

La tâche est immense et délicate. Comment parler en interne de ces sujets qui, il y a peu de temps encore, étaient tabous ou du moins trop souvent passés sous silence ? Comment intégrer cette nouvelle donne lors des recrutements et lors des formations, notamment des managers ? Selon quelles actions et en tenant quel discours ? Quelles procédures sont à revoir (où à mettre en place) lorsque des comportements douteux sont rapportés ou soupçonnés ? Il faut sensibiliser sans paraître suspicieux, rester vigilant sans surveiller à outrance et en respectant la présomption d’innocence. Un délicat numéro d’équilibriste qui sonne comme un défi à relever rapidement. Sur ces sujets, les bons élèves seront encensés en public et les cancres cloués au pilori. Bien plus vite que pour des questions de productivité, de parts de marché ou même de respect de l’environnement.

Comment Glassdoor challenge les entreprises et tuyaute les demandeurs d’emploi

Glassdoor. Le nom ne vous dit peut-être pas grand chose. Pourtant, les responsables marketing et RH ont tout intérêt à s’intéresser de près à cette plate-forme web qui passe au crible 700 000 entreprises dans le monde. Les sociétés sont notées, évaluées, commentées… du point de vue des salariés, employés, stagiaires qui y travaillent où qui y ont travaillé. En clair, Glassdoor (« porte de verre », histoire de rendre plus transparente l’entrée dans l’entreprise) est un peu le TripAdvisor des entreprises de toutes tailles et tous secteurs. Bien plus qu’un énième palmarès annuel des entreprises où il fait bon vivre, Glassdoor fournit une base d’informations aussi détaillées que précieuses pour les chercheurs de stage ou d’emploi, ou les collaborateurs tentés par un changement de poste. On y trouve les entreprises qui recrutent, le classement des meilleurs employeurs, des meilleurs PDG, une masse d’avis et de commentaires pour chaque société répertoriée. Chaque intervenant peut poster de manière anonyme son salaire, son impression sur le poste, l’ambiance dans son service, les techniques de management, les perspectives de promotion… Et des informations partagées à forte valeur ajoutée, comme les questions les plus surprenantes ou difficiles qui sont posées lors des entretiens de recrutement. Une mine donc.

L’intérêt pour les demandeurs d’emploi est évident. Ils vont orienter leurs recherches vers les compagnies les mieux cotées, en fonction de leurs critères prioritaires. Ils vont trier, et préparer leur entretien d’embauche en fonction des éléments collectés.

Les bénéfices potentiels pour les dirigeants, managers et DRH sont tout aussi évidents. Une entreprise a tout intérêt à briller avec un bon classement  et des « reviews » positives, pour disposer au final d’une médiatisation flatteuse. Glassdoor lui offre aussi une vision en interne et donc les moyens d’ajuster sa politique de management et d’embauches en fonction des commentaires postés. In fine, forte d’un bon positionnement sur la plate-forme, elle peut espérer attirer les meilleurs talents et améliorer son recrutement.

Glassdoor se positionne donc à la fois comme un acteur de plus en plus incontournable pour soigner son e-réputation d’employeur, et comme un conseiller précieux pour les chercheurs d’emploi.

Reste la question inévitable : les commentaires sont-ils fiables ? A ce sujet, Glassdoor est confronté au même problème que tous les sites dont les contenus sont basés sur des reviews anonymes. Un double système de validation des commentaires permet un certain filtrage. Mais Glassdoor, pas plus qu’un TripAdvisor, ne peut garantir 100% de posts et d’informations authentiques. La plate-forme mise sur une vision d’ensemble et sur une volonté commune des internautes d’instaurer une confiance réciproque pour que l’outil reste utile à tous.