Les patrons face à la crise : communication et action

 

Il y a ceux qui ont su communiquer. Il y a ceux qui ont su réagir et agir. La pandémie du Covid-19 illustre parfaitement à quel point la gestion de crise est indissociable de la communication de crise.

Capital.fr a publié à quelques jours d’intervalles deux articles complémentaires sur ce sujet. Dans le premier, le magazine en ligne relate comment de nombreux dirigeants, de petites ou grandes entreprises, de grands groupes traditionnels ou de start-up, ont relevé leurs manches et pris des mesures concrètes pour amortir, à leur échelle et à leur manière, les conséquences humaines de l’épidémie. De mille et une façons, ils ont puisé dans leurs ressources financières, logistiques et humaines pour apporter leur pierre au complexe et hétéroclite édifice anti-Covid-19. Les jeunes pousses ont mis à disposition leur agilité et leur capacité d’innovation, les multinationales ont misé sur leur force de frappe et leur puissance opérationnelle. Sans compter.

Le second article détaille le palmarès des grands patrons qui ont communiqué de manière efficace durant la crise. Le cabinet indépendant APCO Worldwide a analysé les prises de parole des dirigeants du CAC40 dans les articles de presse et réseaux sociaux. Conclusion : les PDG distingués (notamment le trio de tête : Stéphane Richard pour Orange, Sébastien Bazin d’Accor et Antoine Frérot pour Veolia) sont ceux qui ont su allier une forte visibilité dans les médias à l’envoi de messages simples, clairs, concrets et percutants. Pour une prise de parole inspirante dans cette crise, il fallait à la fois adopter une posture, un discours de proximité et proposer des idées fortes et innovantes, à même de faire avancer le débat et le combat.

Certains, à l’instar de Bernard Arnault (LVMH), ont beaucoup fait sans parler. Mais dans ce cas, ce sont leurs proches, leurs équipes et porte-parole qui sont largement montés au créneau médiatique. Tout le monde a entendu parler des actions concrètes déployées rapidement par le groupe : rapatriement de masques depuis la Chine et fabrication massive de gel hydroalcoolique.

Cette crise et ses conséquences sont loin d’être terminées. Le credo de la gestion de crise « faire vite, faire bien et faire savoir » reste plus que jamais d’actualité.

Conduire le changement, c’est adapter sa communication

Savoir adapter sa communication : cette compétence précieuse des dirigeants et des managers en temps normal est incontournable en temps de crise. C’est même une clé pour conduire le changement et rebondir. Car la situation actuelle, brutale et anxiogène, mène à un paradoxe : la distanciation physique s’impose alors que le besoin de proximité n’a jamais été aussi fort. Un paradoxe qui n’est qu’apparent et qu’il est urgent de dépasser.

HBR France explique synthétiquement qu’il convient de faire appel à une communication multiformes, en s’adaptant encore davantage à ses interlocuteurs et aux circonstances du moment. Affirmer son leadership, oui, mais pas de manière monolithique. En clarifiant, en prenant soin de briser la glace ou de raconter, de tisser du lien. En exprimant son ressenti et sa curiosité, son intérêt pour l’autre. En temporisant en cas de désaccord, sans menacer l’équilibre des échanges. Bref, aujourd’hui encore plus qu’hier, il est urgent de prendre le temps.

HBR France: La voix du leader doit être multiforme

Comment les grands leaders suscitent l’adhésion

Comment toucher, inspirer et convaincre? Cette conférence TED a tout juste 10 ans. Et reste une référence.

A travers trois exemples très différents (Apple, Martin Luther King, les frères Wright) et un concept simple et puissant (« un cercle d’or » à rebours des pratiques habituelles), Simon Sinek explique comment certains individus, organisations ou entreprises sont entrés dans l’histoire. Alors qu’ils n’étaient pas mieux armés ni plus qualifiés que les autres au départ.

Pour toucher, séduire, convaincre, pour obtenir un acte d’achat, un job, un mouvement citoyen ou un bulletin de vote, il faut expliquer le « pourquoi » avant le « comment » et le « quoi ». Au delà de notre situation personnelle, le but profond qui nous anime donne de la valeur et du sens à nos actions. Et provoque l’adhésion, parfois inconditionnelle.

Un ressort à activer, à son niveau, lorsque l’on veut être non seulement être compris, mais suivi.

La prise de parole en public à portée de tous… grâce à l’IA?

Selon cet article récent de la Harvard Business Review, l’IA permettrait de développer ses talents d’orateur. Avec notamment des applications et logiciels d’entraînement aux entretiens d’embauche. Voici donc une nouvelle vertu affichée de l’intelligence artificielle : mettre l’éloquence à la portée de tous, où on veut et quand on veut. Quand aux recruteurs, ils disposeraient d’outils et d’algorithmes pour disséquer les enregistrements vidéo des candidats. Reste la question de fond, presque philosophique: est-ce pertinent de recourir à l’IA pour analyser au plus près et évaluer des éléments fondamentalement humains?

HBR – L’intelligence artificielle au service de la prise de parole en public?

Les 10 commandements de la gestion de slides

Concevoir, élaborer et bien gérer ses slides en présentation : le sujet reste un vrai challenge pour nombre de collaborateurs en entreprise. Les supports visuels peuvent être un atout, une réelle plus-value s’ils sont maîtrisés et adaptés à la prise de parole. Dans le cas contraire, ils peuvent plomber votre intervention. Rappeler les 10 conseils qui conditionnent une bonne gestion de ses slides n’a donc rien de superflu.

En amont de la présentation :

1 – Elaborer vos slides en fonction de votre discours et non l’inverse. Votre PowerPoint (ou Keynote ou Prezi…) n’est qu’un support qui doit valoriser votre discours. Vous devez pouvoir vous en passer (ne serait-ce que pour pouvoir assurer en cas de problème technique).

2 – Elaguez vos slides au maximum. Une idée importante par slide. Pas plus d’une quinzaine de mots. Une image si besoin. Chaque slide doit pouvoir être comprise en 5 secondes (faites le test !) Evitez les longues listes à puces.

3 – Adoptez une charte graphique. Elle doit être cohérente, plutôt épurée. Elle rappelle et valorise l’entreprise.

4 – Soignez la lisibilité. Votre police de caractère doit être assez grosse, simple (on évite le gothique ou les handwriting) et se détacher au maximum du fond. Un graphique est parfois mieux qu’un long discours : dans ce cas simplifiez-le au maximum, gardez seulement les données essentielles.

5 – Utilisez des images, voire des effets spéciaux, mais uniquement s’ils ont un sens par rapport à votre propos. N’essayez pas d’impressionner ou de « faire joli ».

6 – Prévoyez si possible une version épurée que vous utiliserez lors de votre prise de parole, et une version détaillée que vous pourrez fournir à vos interlocuteurs… de préférence après votre présentation.

7 – Régler en amont toutes les modalités et contraintes techniques. Vérifiez le lieu où vous allez prendre la parole. Où allez-vous vous placer ? Comment vos supports visuels seront projetés ? Evitez toute surprise à gérer en urgence au moment de commencer.

8 – Préparez-vous. Répétez votre présentation, comme un comédien répète avant la première. A plus forte raison si cette prise de parole est à fort enjeu. Si le temps vous manque, privilégiez les temps forts : les premières minutes, les soudures entre parties, la conclusion. Veillez au dynamisme de votre présentation et aux transitions entre slides, au besoin en utilisant des techniques d’entraînement type PechaKucha.

Pendant la présentation :

9 – Ne démarrez pas d’emblée par une slide. Toute l’attention du public doit être concentrée sur vous les premières secondes. Soignez d’abord votre prise de contact, votre accroche, votre introduction. Si vous démarrez avec l’écran allumé, prévoyez une slide noire par exemple.

10 – Gardez le contact regard avec votre public. Si vous pointez un élément sur une slide, ne restez pas collé à l’écran. Ne tournez pas le dos à la salle.

 

Dynamiser ses prises de parole grâce au « PechaKucha »

Le PechaKucha, vous connaissez? Ce n’est ni le dernier fruit exotique à la mode, ni une position de yoga. Il s’agit d’un outil redoutablement efficace pour dynamiser ses prises de parole. De plus en plus connue mais toujours peu utilisée dans les entreprises françaises, la technique consiste à passer 20 slides de 20 secondes, pour dire l’essentiel en 6 mn 40. L’exercice est contraignant et c’est justement son intérêt: il oblige à se défaire de ses mauvaises habitudes, à déconstruire ses traditionnels PowerPoint pour en faire des pitchs efficaces, percutants et même… inspirants. Il permet de mettre en pratique tous les pré-requis fondamentaux de la prise de parole. Un outil à tester et à développer durant les sessions de formation. Mode d’emploi avec l’article ci-dessous paru dans Forbes.fr:

Comment le PechaKucha impose le style TEDx en entreprise

Les entreprises françaises plébiscitent les conférences « à la TEDx » en interne

Les Français seraient toujours plus inspirés par le management à l’américaine. Le Point en livre une illustration avec un focus intéressant sur les conférences et autres stand-up events organisées par les entreprises tricolores pour inspirer, mobiliser leurs salariés, leur transmettre valeurs et savoir-faire. L’énorme succès sur le web des conférences TEDx est passé par là. On s’arrache désormais des intervenants extérieurs, plus ou moins connus, dont le message est a priori plus écouté que s’il était soufflé en interne.

Bien sûr, il y a l’aspect show off lié au pedigree de certains intervenants: des politiques, des philosophes, des sportifs, des magiciens, voire… des chanteurs de hard-rock. Mais cette tendance illustre un phénomène de fond: l’importance croissante accordée à l’oralité, dans notre culture traditionnellement dominée par l’écrit. Là aussi, l’inspiration vient d’outre-Atlantique, où les compétences à s’exprimer à l’oral sont encouragées et développées très tôt dans le système scolaire. Le recours accru aux conférenciers de tous bords montre à quel point le pouvoir de conviction, le charisme à travers l’éloquence, la capacité de susciter l’adhésion par le discours sont des compétences de plus en prisées en interne et recherchées en externe.

Au-delà de l’instant agréable passé avec le rugbyman, l’ancien responsable syndical ou ex-membre du RAID, il reste à mesurer l’apport véritable de ce type d’événements pour les salariés dans leur quotidien professionnel. Mais nul doute qu’il s’agit de moments inspirants. Y compris pour les managers et dirigeants qui souhaitent développer l’oralité et les prises de parole efficaces dans l’entreprise.

Patrons, entraînez-vous à la question qui fâche

La question qui fâche est inévitable. C’est par nature celle qui intéresse les médias en premier lieu. Les sujets sensibles, les problématiques « poil à gratter » et autres polémiques petites ou grandes attirent l’attention (et nourrissent parfois l’obsession)  des journalistes et du public. De même que la « mise sur le grill » d’un invité, qui, au centre de l’arène médiatique, va devoir lutter pour faire valoir ses arguments, sauvegarder son image et la réputation de l’entreprise.

Sur la forme, la question qui fâche est toujours un peu cinglante et polémique. Pour peu que le journaliste soit direct et pugnace, elle sera même provocante. Elle est inspirée par l’actualité autant que possible, mais aussi et surtout par une idée forte répandue à tort ou à raison, une réputation réelle ou supposée, un sujet sur lequel l’invité est prié de s’expliquer, parfois de se justifier. C’est le cas avec la question posée à Antoine Frérot, à qui on demande, tout de go, s’il n’a pas « d’états d’âme à gagner autant d’argent sur un produit d’absolue nécessité tel que l’eau ». D’entrée, le journaliste se positionne sur le terrain de la morale, en sous-entendant que Veolia n’en a pas beaucoup en engrangeant 1 milliard d’euros par an pour que nous puissions simplement boire et nous laver.

Face à ce type de questions, l’intérêt est de répondre avec aplomb, rapidité voire fermeté s’il l’on veut s’inscrire en faux. Mais aussi, être pédagogue et apporter des éléments clairs et probants qui vont rapidement nuancer (voire infirmer) les sous-entendus ou accusations contenus dans la question. C’est ce que fait d’ailleurs le PDG de Veolia de manière plutôt efficace. Son « absolument pas » tranchant et précis qui entame sa réponse est immédiatement suivi d’une argumentation construite et claire qui vise à démonter les inexactitudes contenues selon lui dans la question. Pour, au final, exposer un message fort qui va à l’inverse des présupposés. En substance : « Veolia offre un service technique et performant pour qu’une eau propre arrive à volonté chez vous et en reparte sale, le tout gratuitement ».  Et pour donner du crédit à son argumentation, Antoine Frérot verse dans la mise en situation et les exemples concrets, qui ont pour but de rendre son discours immédiatement compréhensible et de témoigner de sa bonne foi.

Autre avantage de cette manière de répondre : elle permet d’utiliser au maximum les leviers de la communication non-verbale au service de la conviction. L’accroche regard est totale, le visage est animé, la gestuelle accompagne le discours, le sourire s’esquisse au bon moment. L’invité délivre une vraie présence à l’antenne, il s’avance vers son interlocuteur, paraît pleinement investi en énergie dans sa réponse. En communication face aux médias comme face à n’importe quel public, le travail de conviction est déjà bien entamé dès lors l’envie de convaincre est perceptible.

Nul doute que cette réponse à la fois incisive et argumentée, le dirigeant l’a préparée. Et c’est tout l’intérêt de ce petit décryptage. La question qui fâche, anxiogène en soi, vaut largement la peine d’être vécue, car elle est l’occasion de renforcer une position. De remettre les choses en place ou en perspective. De couper court aux malentendus et aux raccourcis. De tordre éventuellement le cou à une idée reçue.

La question qui fâche, qui surgit inévitablement un jour ou l’autre sur le parcours médiatique du dirigeant, doit être considérée davantage comme une opportunité que comme une mauvaise rencontre.

En revanche, elle s’anticipe et se prépare. S’entraîner à répondre aux questions qui fâchent n’est pas une simple recommandation en média-training. C’est un impératif.