Affaire Dupont de Ligonnès : Les médias en mode com de crise

Le stupéfiant raté de la presse française sur l’affaire Dupont de Ligonnès place les médias face aux cruelles contraintes de la communication de crise. Et à un passage obligé par l’examen de conscience. Et comme bien des entreprises, les groupes de presse ne sont ni habitués, ni préparés à ce périlleux exercice.

Lorsqu’une entreprise traverse une crise suite à une grave erreur liée directement à son activité, les journalistes racontent, enquêtent, souvent accusent, dénoncent, pointent les fautes, les incompétences, réclament des comptes. Bref, ils ne font pas de cadeaux. Et c’est leur devoir. Cette fois, ce sont eux qui sont entraînés dans un naufrage collectif. Car la rocambolesque et fausse nouvelle de l’arrestation de Xavier Dupont de Ligonnès est grave, pour au moins 4 raisons :

1 – Elle concerne une affaire sensible qui, on le sait, est propice depuis des années aux fausses pistes et témoignages douteux. A ce titre, cet énorme raté est difficile à comprendre.

2 – Elle frappe tous les médias, et notamment ceux qui gardaient encore une certaine réputation de sérieux : Le Parisien, qui a dévoilé le faux scoop en premier, l’Agence France Presse, qui a rapidement suivi et entraîné avec elle tous ses abonnés… Et au final, tous les médias, chaînes d’infos en continu notamment, ont amplifié le mouvement, massivement et sans réserve, pendant de longues heures.

3 – Elle intervient dans une époque où la suspicion est de mise, et la méfiance impérieuse face aux tombereaux de hoaxes et de fake news, nourris et amplifiés par les réseaux sociaux. Dans ce contexte, la presse dite « sérieuse » pouvait mettre en avant son rôle de défenseur d’une certaine vérité, d’une certaine qualité de l’information. Voilà qui va être plus compliqué désormais, au moins à court terme.

4 – Sondage après sondage, les Français expriment depuis bien longtemps leur méfiance envers les médias, leur manque de confiance envers les journalistes et leurs critiques dans le traitement de l’information. Cela risque de ne pas s’arranger.

En clair, le crash médiatique de ce samedi matin est une crise majeure car il décrédibilise de nombreuses entreprises de presse et l’ensemble d’une profession.

Comme toutes les entreprises qui traversent une crise, les groupes de presse vont devoir très rapidement (et dans l’ordre) : présenter leurs excuses à leurs clients (lecteurs, auditeurs et téléspectateurs), s’expliquer avec transparence sur les raisons de cette énorme bévue et agir réellement pour qu’un tel désastre ne se reproduise plus. Avec un objectif : bien gérer ce moment délicat pour qu’il ne s’éternise pas et, surtout, qu’il ne s’enracine pas dans les mémoires.

Un déroulé bien difficile à mettre en œuvre. Côté excuses, certains comme le Courrier Picard ont rapidement fait un mea-culpa appuyé. D’autres – à l’image du Parisien, en première ligne dans cette déroute – ont commencé à donner quelques explications… Pas sûr que ce soit suffisant pour tarir les cascades de commentaires affligés, railleurs ou scandalisés. Le retour de la confiance va prendre du temps.

Incendie de Notre-Dame: une entreprise lorraine brutalement confrontée à la communication de crise

L’incendie de Notre-Dame l’illustre tristement: travailler sur la communication de crise est un passage obligé pour toute entreprise, petite ou grande, méconnue ou notoire. L’entreprise lorraine Le Bras Frères rénovait la flèche de Notre-Dame qui s’est écroulée sous les yeux du monde entier. La société se retrouve dans un maëlstrom médiatique qu’elle n’a sans doute jamais imaginé. Une bonne partie de la presse régionale, nationale et audio-visuelle s’intéresse aujourd’hui à cette entreprise familiale, spécialiste des monuments historiques mais inconnue du grand public, pour demander des éclaircissements.

BFMTV n’a pas tardé à tendre sans ménagement ses micros au PDG du groupe, Julien Le Bras, venu sur place collaborer avec les secours et les enquêteurs. Un moment bien compliqué à gérer, d’autant qu’Europe 1 a relayé l’information et la vidéo sur son site.

Le PDG de Le Bras Frères interviewé par BFMTV

En presse écrite, les journaux locaux sont en pôle position pour évoquer l’entreprise familiale, de sa naissance au brasier de Notre-Dame, en passant par son succès et ses savoir-faire. De L’Est Républicain aux DNA, en passant par Vosges Matin, toute la PQR lorraine est sur le pont. Les éditions nationales ne sont pas en reste, à l’instar du Point, qui, cruellement, rappelle les exclamations de joie du PDG le jour il a remporté l’appel d’offres pour restaurer la cathédrale de Paris.

Le Point – L’entreprise qui restaurait la flèche de Notre-Dame

Empathie, détermination, action, transparence: le Bras Frères, sous une pression médiatique maximale, doit mettre en application les fondamentaux de la communication de crise pour préserver sa crédibilité… et peut-être même assurer sa survie. Un travail qui ne peut pas s’improviser dans le tourbillon médiatique du moment.

Patrons, entraînez-vous à la question qui fâche

La question qui fâche est inévitable. C’est par nature celle qui intéresse les médias en premier lieu. Les sujets sensibles, les problématiques « poil à gratter » et autres polémiques petites ou grandes attirent l’attention (et nourrissent parfois l’obsession)  des journalistes et du public. De même que la « mise sur le grill » d’un invité, qui, au centre de l’arène médiatique, va devoir lutter pour faire valoir ses arguments, sauvegarder son image et la réputation de l’entreprise.

Sur la forme, la question qui fâche est toujours un peu cinglante et polémique. Pour peu que le journaliste soit direct et pugnace, elle sera même provocante. Elle est inspirée par l’actualité autant que possible, mais aussi et surtout par une idée forte répandue à tort ou à raison, une réputation réelle ou supposée, un sujet sur lequel l’invité est prié de s’expliquer, parfois de se justifier. C’est le cas avec la question posée à Antoine Frérot, à qui on demande, tout de go, s’il n’a pas « d’états d’âme à gagner autant d’argent sur un produit d’absolue nécessité tel que l’eau ». D’entrée, le journaliste se positionne sur le terrain de la morale, en sous-entendant que Veolia n’en a pas beaucoup en engrangeant 1 milliard d’euros par an pour que nous puissions simplement boire et nous laver.

Face à ce type de questions, l’intérêt est de répondre avec aplomb, rapidité voire fermeté s’il l’on veut s’inscrire en faux. Mais aussi, être pédagogue et apporter des éléments clairs et probants qui vont rapidement nuancer (voire infirmer) les sous-entendus ou accusations contenus dans la question. C’est ce que fait d’ailleurs le PDG de Veolia de manière plutôt efficace. Son « absolument pas » tranchant et précis qui entame sa réponse est immédiatement suivi d’une argumentation construite et claire qui vise à démonter les inexactitudes contenues selon lui dans la question. Pour, au final, exposer un message fort qui va à l’inverse des présupposés. En substance : « Veolia offre un service technique et performant pour qu’une eau propre arrive à volonté chez vous et en reparte sale, le tout gratuitement ».  Et pour donner du crédit à son argumentation, Antoine Frérot verse dans la mise en situation et les exemples concrets, qui ont pour but de rendre son discours immédiatement compréhensible et de témoigner de sa bonne foi.

Autre avantage de cette manière de répondre : elle permet d’utiliser au maximum les leviers de la communication non-verbale au service de la conviction. L’accroche regard est totale, le visage est animé, la gestuelle accompagne le discours, le sourire s’esquisse au bon moment. L’invité délivre une vraie présence à l’antenne, il s’avance vers son interlocuteur, paraît pleinement investi en énergie dans sa réponse. En communication face aux médias comme face à n’importe quel public, le travail de conviction est déjà bien entamé dès lors l’envie de convaincre est perceptible.

Nul doute que cette réponse à la fois incisive et argumentée, le dirigeant l’a préparée. Et c’est tout l’intérêt de ce petit décryptage. La question qui fâche, anxiogène en soi, vaut largement la peine d’être vécue, car elle est l’occasion de renforcer une position. De remettre les choses en place ou en perspective. De couper court aux malentendus et aux raccourcis. De tordre éventuellement le cou à une idée reçue.

La question qui fâche, qui surgit inévitablement un jour ou l’autre sur le parcours médiatique du dirigeant, doit être considérée davantage comme une opportunité que comme une mauvaise rencontre.

En revanche, elle s’anticipe et se prépare. S’entraîner à répondre aux questions qui fâchent n’est pas une simple recommandation en média-training. C’est un impératif.

Cinq conseils pour être un « bon client » des médias

Savoir parler aux médias permet de préserver, voire améliorer son image et celle de son entreprise. Cela permet aussi d’être identifié par les journalistes comme un « bon client ». Pour les journaux, radios, TV ou sites web, un « bon client » (le terme est emprunté directement au jargon journalistique) est un interviewé qui sait délivrer rapidement un discours clair, concis, facilement compréhensible. C’est donc un porte-parole qui figure en bonne place dans le carnet d’adresses des journalistes et qui sera rappelé pour d’autres interviews dès qu’une occasion va se présenter.

On reproche parfois aux médias d’interroger toujours les mêmes personnes, de demander l’avis des mêmes experts, qui formeraient un club fermé, un vivier dans lequel puiseraient les journalistes de manière systématique sans trop se poser de questions. C’est en grande partie parce que ces spécialistes ont été identifiés comme de « bons clients ».

Il est toujours utile d’être étiqueté comme tel par les journalistes, même dans l’hypothèse où on ne raffole pas, par nature, des interviews. Rappelons ici qu’il vaut toujours mieux qu’une information vous concernant de près ou de loin passe à travers vous plutôt que sans vous. Alors autant la délivrer de manière efficace et être catalogué comme un « bon client » qui sera sollicité une prochaine fois. Toute occasion de briller dans les médias est bonne à prendre.

Voici 5 conseils de base pour être un « bon client » :

–       Répondre rapidement aux sollicitations des médias. Dites oui ou non en fonction de votre emploi du temps et du sujet, mais ne laissez pas le journaliste dans l’attente d’un retour sur votre disponibilité.

–       En interview, répondez de manière directe et concise aux questions, surtout face aux médias audiovisuels. Les formats des interviews radio ou TV sont très courts (15 – 30 secondes souvent). Moins il y a aura de montage à effectuer, moins votre parole sera tronquée et moins le journaliste aura de travail. Tout le monde y gagne.

–       Efforcez-vous de vulgariser au maximum, chassez le jargon trop technique ou corporatiste. N’oubliez pas qu’à travers les médias, notamment généralistes, vous vous adressez au grand public.

–       Adoptez un langage concret, imagé. Votre discours sera plus percutant, agréable à écouter et vos propos seront mieux mémorisés.

–       Préparez toujours vos interventions à l’avance, en lien avec le journaliste qui va vous interroger. Même dans le cas d’une interview en urgence (situation fréquente en radio), prenez le temps de cerner le sujet, l’angle du journaliste et de rassembler vos idées avant de démarrer l’entretien. Si vous êtes amenés à vous exprimer régulièrement devant la presse, quelques sessions de média-training peuvent être utiles.

Choisir son porte-parole en pleine crise

Une entreprise traverse une zone de turbulences. Le choix d’un porte-parole s’impose. Qui sera le messager de l’entreprise auprès des médias et de l’opinion ? Le choix d’un porte-parole est complexe et il n’existe pas de profil parfait et universel.

– Le dirigeant peut-il être porte-parole ?

Oui, dans certains cas très particuliers, et notamment en cas de crise très grave. Ainsi, lorsque survient une catastrophe aérienne ou ferroviaire, nul autre que le PDG de la compagnie doit apparaître, dans les premiers moments, en première ligne. Cela est surtout valable dans les premiers instants. Si la crise dure, si les développements dans les médias s’étalent dans le temps (enquête, expertises, rebondissements…) il convient de choisir un autre porte-parole qui prendra le relais. Il convient de ne pas banaliser la parole du PDG, qui ne doit être exposé que dans les moments forts.

Quelques dirigeants d’entreprise ont choisi d’apparaître systématiquement dans les médias. C’est le cas par exemple de Michel-Edouard Leclerc, qui est, pour les journalistes comme le public, la voix, le visage, la parole du groupe Leclerc. Ce choix, lié à la personnalisation à l’extrême du distributeur, reste une exception.

– Le directeur de la communication peut-il être porte-parole ?

En général non. Un directeur de la communication est choisi pour ses compétences d’organisateur, pas pour passer à la télévision. Il a beaucoup d’autres tâches à exécuter, notamment en temps de crise, ne serait-ce que dans les contacts quotidiens à organiser avec la presse. Il connaît trop bien les médias pour être dans l’action, l’émotion et la justesse. Face aux journalistes qu’il fréquente et contacte tout au long de l’année, il risque d’être trop lisse, convenu et pas assez crédible lorsque survient la crise.

Le porte-parole est choisi en fonction de la crise. Il n’est pas le même en cas de crise sociale, technologique, financière, économique… Il est choisi aussi en fonction de l’image que l’on veut peaufiner en particulier.

Dans tous les cas de figure, il est conseillé de veiller aux points suivants :

– Le porte-parole fait partie de la cellule de crise, ou, du moins, travaille en étroite collaboration avec elle. Il doit être parfaitement informé de tout ce qui se passe, se prépare, se profile.

– Eviter de choisir un porte-parole trop jeune, qui paraîtrait inexpérimenté et enverrait le signal que l’entreprise ne prend pas assez la situation au sérieux. Il ne suffit pas d’être jeune pour être dynamique.

– Choisir quelqu’un qui s’exprime de manière claire, fluide, concrète et qui « passe bien » physiquement. Mieux vaut éviter quelqu’un d’apparence renfermée, sévère, triste ou trop joviale. Attention aussi à sa voix. En radio, la voix de votre porte-parole représente à elle-seule l’entreprise. Mieux vaut éviter les timbres monocorde, haut perché, les débits excessivement rapides.

– Former ses porte-parole potentiels à la prise de parole en public et devant les médias. Ce travail de formation doit être fait en amont, mais il peut s’accomplir aussi en urgence si besoin, lorsque la crise survient.

Il est aussi conseillé de veiller à l’apparence, à la présentation de ses porte-parole. Sans verser dans la dictature de la mode, quelques ajustements en matière de look, de vêtements, de coiffure peuvent être bénéfiques. Au moment de s’exposer devant les médias et le grand public, paraître moderne et dynamique est un plus.

Cinq conseils pour être efficace en interview

Vous êtes interviewé(e) et vous vous demandez comment faire passer votre message de manière efficace. Voici quelques conseils, issus des techniques journalistiques elles-mêmes. En effet, vous avez le même objectif qu’un journaliste : délivrer un message qui doit intéresser votre public et être compris par le plus grand nombre.

1)   Soyez concis. Un message est mieux perçu s’il est contenu dans des phrases courtes. Dans une phrase de 12 mots, on mémorise 100% du message. Dans une phrase de 40 mots, on ne retient que 30% du propos.

2)   Préférez les tournures actives plutôt que passives. La forme active a deux avantages: elle est moins lourde que la forme passive et elle s’assimile mieux.

3)   Utilisez des formules concrètes plutôt qu’abstraites.

4)   Chassez le jargon autant que possible. Ne gardez des mots techniques et propres à votre univers professionnel que s’ils servent réellement votre message et lui ajoutent une plus-value.

5)   Evitez les avalanches de chiffres. Et surtout, si les données statistiques sont indispensables, vous pouvez les « habiller » et les rendre plus simples à assimiler. Préférez des fractions (2 sur 3 plutôt que 66%). Faites comme les journalistes : donnez des illustrations qui vont frapper les esprits, donner du sens immédiat à votre propos et se retenir facilement. Par exemple : 370 milliards de dollars équivaut au PIB de la Belgique, 400.000 personnes représentent la population de Nice, 150 millions d’euros est le prix d’un Airbus A380…

Enfin, dans le cadre d’une interview télévisée, il est primordial de soigner la forme. 50% de l’effet d’un message provient du non-verbal, autrement dit les gestes, la posture, le regard. La maîtrise du fond en même temps que la forme s’apprend et s’entretient.

Comment surfer sur les creux de l’actualité

« Décidément, il ne faut pas mourir en juillet ». Par ces mots, le cinéaste Jean-Pierre Mocky s’affligeait de voir le peu de personnalités du monde du spectacle présentes aux obsèques de Bernadette Lafont, décédée le 25 juillet 2013. La formule lapidaire résume l’idée qu’en été, la France vit au ralenti. Les Français, partis en vacances, ont la tête ailleurs. Ils laissent leurs préoccupations habituelles en stand-by à la maison, à la gare ou à l’aéroport. Ils ne s’intéressent plus ou si peu à des événements qui les auraient passionnés deux mois plus tôt.

Dans ces conditions, les périodes de creux comme les congés d’été, et particulièrement à l’approche du 15 août, apparaissent comme les pires périodes pour communiquer efficacement à travers les médias.

Cette idée mérite d’être nuancée, pour deux raisons majeures :

1)   Il faut garder à l’esprit que les médias, eux, continuent de tourner 24 heures sur 24. L’info ne s’arrête pas avec les transhumances estivales ou la trêve des confiseurs, entre Noël et le Jour de l’An. En période de congés, l’actualité économique et politique est creuse. Les journalistes sont à l’affût du moindre sujet qui pourrait donner de l’épaisseur à leurs reportages. Dans ces conditions, une information sur votre entreprise trouvera un écho particulier dans les médias, trop heureux de traiter autre chose que les infos services (trafic routier, météo…) et les « marronniers » de l’été (sujets qui reviennent traditionnellement chaque année, comme la fréquentation touristique, les arnaques des vacances etc.) A contrario, communiquer pendant une Coupe du Monde de football, une élection législative ou un conflit armé d’envergure, c’est prendre le risque d’être totalement inaudible.

2)   Les Français en vacances ne se débranchent pas aussi facilement de l’actualité. Si leur état d’esprit est en mode détente, ils ont justement davantage le temps de lire les journaux, d’écouter la radio, de surfer sur internet. Sans parler des sites d’infos que l’on peut consulter sur son lieu de vacances, sur sa tablette ou son smartphone, que l’on soit sur une plage de Vendée ou des Maldives, sur un GR en Corse ou dans un hôtel au Mexique.

Solliciter les journalistes quand l’actualité est atone peut donc être une bonne idée pour faire passer son message. D’une manière générale, souvenez-vous qu’une même information n’a pas la même valeur intrinsèque selon le moment où elle est diffusée. Nous avons vu ici comment les journalistes obéissent aux règles de proximité pour susciter l’intérêt de leur public. Respectez vos propres règles de proximité pour attirer l’attention des médias.

Petites phrases : les médias en raffolent, mais attention…

C’est bien connu : pour faire passer son message, marquer les esprits, rien ne vaut un bon mot, une formule choc, une petite phrase bien ciselée, un trait d’esprit ou d’humour… Les hommes politiques l’ont bien compris. Ils en usent et parfois en abusent. Les journalistes eux-mêmes ont recours aux formules choc pour donner du relief à leur plume. En outre, ils adorent les reprendre et les relayer, sachant qu’elles sont percutantes et plairont à coup sûr à leur public.

Mais attention : la petite phrase est une arme à double tranchant. Elle marque les esprits. C’est le but recherché… mais c’est parfois tout le problème. Il s’agit de ne pas se tromper, sous peine de voir une formule choc stigmatiser, parfois à vie, celui qui l’a prononcée. Pour prendre un exemple (ils sont innombrables) puisé dans la vie politique, l’ex-secrétaire d’Etat à la Santé Georgina Dufoix sera à jamais associée au « responsable, mais pas coupable » prononcé durant les soubresauts de l’affaire du sang contaminé dans les années 80. Et le « responsable mais pas coupable » est devenu lui-même une formule toute faite, un gimmick.

La formule choc est à utiliser avec parcimonie et à sélectionner avec soin. Qu’il soit brillant ou affligeant, votre bon mot risque d’être repris par tous les médias et de tourner en boucle sur le web. En outre, si elle est utilisée à tour de bras, la formule choc peut devenir une marque de fabrique encombrante, voire ridicule. Certains hommes politiques de tous bords ont fait du trait d’esprit une spécialité. Parfois, leur talent est reconnu au point d’en tirer une réelle popularité, à l’instar d’un André Santini. Mais cette marque de fabrique n’est pas forcément promesse de crédibilité, loin de là. Les formules imagées et alambiquées de l’ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin (les devenues célèbres « raffarinades ») ont fait les beaux jours des médias en général et des Guignols de l’Info en particulier. François Hollande tend à dégainer le jeu de mot en toutes circonstances. Une habitude diversement appréciée.

Dans un registre proche, méfiez-vous des expressions « tartes à la crème ». Elles sont imagées, certes, mais peuvent être une fausse bonne idée. Evitez de multiplier les formules toutes faites, les clichés, stéréotypes et lieux communs (dont usent et abusent parfois les journalistes) qui n’apportent rien et ne surprennent plus personne. Exemples : « Enterrer la hache de guerre », « Franchir la ligne jaune », « Il n’y a pas photo », « Grand oral », « Levée de bouclier », « Donner son feu vert », « couper le cordon ombilical » etc. La liste est inépuisable. Ces expressions peuvent paraître utiles pour illustrer un propos : en fait, ce sont souvent des périphrases qui allongent inutilement le discours…

Enfin, tout comme les hommes politiques, prenez garde aux promesses lapidaires et aux discours tranchants. Votre propos vous engage, vous comme votre entreprise. Si vous avez des vérités à asséner, des promesses à formuler, soyez sûrs de vous à 100%. Une interview s’archive et peut vous poursuivre… durant très longtemps ! Prenons encore un exemple en politique, où, c’est bien connu, les promesses n’engagent que ceux qui y croient. On se souvient comment Jean-François Copé avait juré, dans une formule très appuyée: « Moi vivant, il n’y aura pas d’augmentation de la redevance ». L’annonce de l’augmentation de ladite redevance est tombée deux semaines plus tard. Les médias n’ont pas manqué de ricaner. Le chef de file des députés UMP a même été nominé au prix Humour et Politique 2009…

Interview « à chaud », attention !

Un ou une journaliste vous appelle pour effectuer une interview par téléphone. Comme nous avons eu l’occasion de le voir ici, il/elle est pressé(e), a des contraintes de bouclage ou de diffusion et aimerait bien que l’entretien se fasse très vite, voire tout de suite. Dans les radios, il est fréquent d’effectuer des interviews enregistrées par téléphone. Ces entretiens peuvent être diffusés en directs, mais le plus souvent sont mis en boîte et montés, puis diffusés dans la foulée ou du moins dans les heures qui suivent. Quoi qu’il en soit, ne vous précipitez pas, même si le thème de l’article ou de l’interview radio vous inspire. Toute interview se prépare un minimum. Vous devez toujours vous laisser un temps de réflexion pour préparer vos messages. N’hésitez pas à dire : « précisez moi le sujet qui vous intéresse et le thème des questions que vous souhaitez poser. Et rappelez-moi dans 10 ou 20 minutes. »  Vous avez tout intérêt à prendre le temps de rassembler vos idées et de synthétiser le message essentiel que vous souhaitez faire passer sur le sujet donné. N’oubliez pas que dans le cas d’une interview en direct, vous serez sans filet et n’aurez pas droit à l’erreur. Dans le cas d’une interview en différé, il y a toujours la possibilité de se reprendre et de reformuler sa réponse, mais vous n’aurez aucune prise sur le montage : mieux vaut donc être efficace, clair et concret d’entrée de jeu.

Il ne s’agit pas de rédiger vos réponses pour les lire ensuite, mais de noter quelques points incontournables, des chiffres-clés qui ne vous viendraient pas forcément à l’esprit spontanément. De marquer quelques noms propres que vous pourriez oublier, une référence ou une citation si besoin…

Pour préparer au mieux ce type d’interview, n’oubliez pas de poser au journaliste les questions suivantes :

–       Quel est l’angle du reportage ?

–       Quelle sera, après montage, la durée de votre intervention ?

–       Pourquoi faire appel à vous ? Qu’attend-t-il de vous ?

–       Quand l’interview sera-t-elle diffusée ?

–       Quel est le public visé ?

A travers une interview, c’est votre parole, votre image et celle de votre entreprise qui sont en première ligne. Il est donc urgent d’attendre avant de se lancer. En reportant l’interview, ne serait-ce que de quelques minutes, vous vous donnez le temps de préparer votre prestation et la chance de la réussir tout en respectant les contraintes de temps du journaliste.

Fichier presse, mode d’emploi

Nous avons déjà évoqué ici le communiqué de presse. D’autres outils sont à bien connaître et utiliser pour faciliter et développer ses relations avec les médias. Parmi eux, arrêtons nous sur le fichier presse. C’est une base de données dans laquelle figurent les journalistes de tous les médias potentiellement intéressés par l’activité et l’actualité de l’entreprise. Bien réalisé, le fichier presse permet de mieux cibler l’envoi des communiqués de presse, d’entretenir et de faire prospérer ses relations avec les journalistes. En clair, d’être efficace. Le fichier presse peut paraître fastidieux à réaliser et à faire vivre, mais il permet un gain de temps considérable.

Il contient toutes les informations de base concernant chaque journaliste que vous aurez contacté ou dont vous aurez récupéré les coordonnées. Outre le nom, prénom (pseudo s’il y a), organe de presse, téléphone direct, doivent figurer l’adresse mail et des éléments plus ou moins subjectifs que vous jugerez utile de préciser au fil de vos contacts avec lui: la manière optimale de le contacter et le rencontrer, son comportement lors des interviews, le ton de ses articles et de ses reportages…

La principale contrainte du fichier presse est qu’il doit être constamment actualisé. En effet, le monde des médias souffre d’une grande précarité. La majorité des journalistes auxquels vous aurez affaire ne sont pas titularisés. La profession emploie de nombreux stagiaires, beaucoup de journalistes sont en en CDD. Le turn-over est donc considérable et un journaliste auquel vous aurez répondu une fois sera peut-être à un autre poste, dans un autre organe de presse le mois suivant. Une grande partie sont pigistes : ils travaillent à la commande ou à la journée, et collaborent avec différents médias. Cette particularité les rend intéressants à suivre et il est d’ailleurs conseillé de mettre les pigistes à part dans le fichier presse.

Un journaliste tient soigneusement à jour ses relations dans un fichier, en général classé par spécialités et activités économiques. Vous avez tout intérêt à y figurer. De votre côté, faites la même chose et optez pour un classement clair, par catégorie de média (presse écrite nationale, régionale, spécialisée, magazine, radio, TV, internet). Et surtout, mettez-le à jour dès que l’occasion se présente. Cela vous permettra de ne pas perdre vos contacts de vue et de vous en créer de nouveaux. Même s’ils ne sont pas reliés directement à votre activité, les médias font partie de votre réseau professionnel.