Choisir son porte-parole en pleine crise

Une entreprise traverse une zone de turbulences. Le choix d’un porte-parole s’impose. Qui sera le messager de l’entreprise auprès des médias et de l’opinion ? Le choix d’un porte-parole est complexe et il n’existe pas de profil parfait et universel.

– Le dirigeant peut-il être porte-parole ?

Oui, dans certains cas très particuliers, et notamment en cas de crise très grave. Ainsi, lorsque survient une catastrophe aérienne ou ferroviaire, nul autre que le PDG de la compagnie doit apparaître, dans les premiers moments, en première ligne. Cela est surtout valable dans les premiers instants. Si la crise dure, si les développements dans les médias s’étalent dans le temps (enquête, expertises, rebondissements…) il convient de choisir un autre porte-parole qui prendra le relais. Il convient de ne pas banaliser la parole du PDG, qui ne doit être exposé que dans les moments forts.

Quelques dirigeants d’entreprise ont choisi d’apparaître systématiquement dans les médias. C’est le cas par exemple de Michel-Edouard Leclerc, qui est, pour les journalistes comme le public, la voix, le visage, la parole du groupe Leclerc. Ce choix, lié à la personnalisation à l’extrême du distributeur, reste une exception.

– Le directeur de la communication peut-il être porte-parole ?

En général non. Un directeur de la communication est choisi pour ses compétences d’organisateur, pas pour passer à la télévision. Il a beaucoup d’autres tâches à exécuter, notamment en temps de crise, ne serait-ce que dans les contacts quotidiens à organiser avec la presse. Il connaît trop bien les médias pour être dans l’action, l’émotion et la justesse. Face aux journalistes qu’il fréquente et contacte tout au long de l’année, il risque d’être trop lisse, convenu et pas assez crédible lorsque survient la crise.

Le porte-parole est choisi en fonction de la crise. Il n’est pas le même en cas de crise sociale, technologique, financière, économique… Il est choisi aussi en fonction de l’image que l’on veut peaufiner en particulier.

Dans tous les cas de figure, il est conseillé de veiller aux points suivants :

– Le porte-parole fait partie de la cellule de crise, ou, du moins, travaille en étroite collaboration avec elle. Il doit être parfaitement informé de tout ce qui se passe, se prépare, se profile.

– Eviter de choisir un porte-parole trop jeune, qui paraîtrait inexpérimenté et enverrait le signal que l’entreprise ne prend pas assez la situation au sérieux. Il ne suffit pas d’être jeune pour être dynamique.

– Choisir quelqu’un qui s’exprime de manière claire, fluide, concrète et qui « passe bien » physiquement. Mieux vaut éviter quelqu’un d’apparence renfermée, sévère, triste ou trop joviale. Attention aussi à sa voix. En radio, la voix de votre porte-parole représente à elle-seule l’entreprise. Mieux vaut éviter les timbres monocorde, haut perché, les débits excessivement rapides.

– Former ses porte-parole potentiels à la prise de parole en public et devant les médias. Ce travail de formation doit être fait en amont, mais il peut s’accomplir aussi en urgence si besoin, lorsque la crise survient.

Il est aussi conseillé de veiller à l’apparence, à la présentation de ses porte-parole. Sans verser dans la dictature de la mode, quelques ajustements en matière de look, de vêtements, de coiffure peuvent être bénéfiques. Au moment de s’exposer devant les médias et le grand public, paraître moderne et dynamique est un plus.

Comment surfer sur les creux de l’actualité

« Décidément, il ne faut pas mourir en juillet ». Par ces mots, le cinéaste Jean-Pierre Mocky s’affligeait de voir le peu de personnalités du monde du spectacle présentes aux obsèques de Bernadette Lafont, décédée le 25 juillet 2013. La formule lapidaire résume l’idée qu’en été, la France vit au ralenti. Les Français, partis en vacances, ont la tête ailleurs. Ils laissent leurs préoccupations habituelles en stand-by à la maison, à la gare ou à l’aéroport. Ils ne s’intéressent plus ou si peu à des événements qui les auraient passionnés deux mois plus tôt.

Dans ces conditions, les périodes de creux comme les congés d’été, et particulièrement à l’approche du 15 août, apparaissent comme les pires périodes pour communiquer efficacement à travers les médias.

Cette idée mérite d’être nuancée, pour deux raisons majeures :

1)   Il faut garder à l’esprit que les médias, eux, continuent de tourner 24 heures sur 24. L’info ne s’arrête pas avec les transhumances estivales ou la trêve des confiseurs, entre Noël et le Jour de l’An. En période de congés, l’actualité économique et politique est creuse. Les journalistes sont à l’affût du moindre sujet qui pourrait donner de l’épaisseur à leurs reportages. Dans ces conditions, une information sur votre entreprise trouvera un écho particulier dans les médias, trop heureux de traiter autre chose que les infos services (trafic routier, météo…) et les « marronniers » de l’été (sujets qui reviennent traditionnellement chaque année, comme la fréquentation touristique, les arnaques des vacances etc.) A contrario, communiquer pendant une Coupe du Monde de football, une élection législative ou un conflit armé d’envergure, c’est prendre le risque d’être totalement inaudible.

2)   Les Français en vacances ne se débranchent pas aussi facilement de l’actualité. Si leur état d’esprit est en mode détente, ils ont justement davantage le temps de lire les journaux, d’écouter la radio, de surfer sur internet. Sans parler des sites d’infos que l’on peut consulter sur son lieu de vacances, sur sa tablette ou son smartphone, que l’on soit sur une plage de Vendée ou des Maldives, sur un GR en Corse ou dans un hôtel au Mexique.

Solliciter les journalistes quand l’actualité est atone peut donc être une bonne idée pour faire passer son message. D’une manière générale, souvenez-vous qu’une même information n’a pas la même valeur intrinsèque selon le moment où elle est diffusée. Nous avons vu ici comment les journalistes obéissent aux règles de proximité pour susciter l’intérêt de leur public. Respectez vos propres règles de proximité pour attirer l’attention des médias.

Comment ruiner son image en 24 heures et 5 leçons

Se jeter dans un very bad buzz vite et bien, c’est facile. Faire haïr son entreprise en quelques heures, l’exposer à l’opprobre générale ? Un jeu d’enfant. Quelques étapes clefs :

1 – Lancer une opération de marketing improbable et désastreuse, en impliquant le grand public.

2 – Utiliser des leviers efficaces qui auront un effet repoussoir garanti. Exemple : adopter une posture mercantile, sans scrupules, si possible avec cynisme. Ne pas avoir peur de l’indécence. Donner l’impression d’escroquer le plus grand nombre. Encore mieux : avoir l’air d’exploiter les faiblesses et les fragilités de son public.

3 – Miser sur l’effet amplificateur et viral des réseaux sociaux, puis des médias grand public via l’intérêt que portent les journalistes à toute « bonne histoire » à raconter.

4 – Communiquer de manière détachée, faussement empathique, pour ne pas tarir l’indignation générale.

5 – Tenir bon, ne surtout pas faire machine arrière et mener l’opération jusqu’au bout.

En clair, pour dynamiter sa réputation, il suffit de suivre l’exemple de Carpisa, une entreprise italienne de maroquinerie. Un cas d’école d’opération marketing, rapporté par Le Monde, qui laisse perplexe. Carpisa a annoncé le lancement d’un « un concours » d’opportunité professionnelle sur le thème « achetez un sac à main et gagnez un stage dans notre entreprise ».  Pour espérer décrocher un stage d’un mois rémunéré à hauteur de 500 euros, les candidats devaient échafauder et présenter un plan de communication pour une nouvelle ligne de sacs… avec l’obligation d’en acheter un. Rémunération dérisoire, obligation d’achat, il fallait déjà oser. Pire : les postulants devaient renoncer à tous les droits concernant leur plan de communication. En clair, Carpisa se réservait le droit d’exploiter et d’utiliser par la suite toutes les idées proposées, y compris (et surtout?) celles des candidats perdants. Evidemment, l’indignation générale a vite grondé massivement, sur Facebook et Twitter, puis dans les journaux grand public.

L’opération est d’autant plus mal passée que le chômage des jeunes est endémique en Italie. Indéniablement, l’impression de faire son beurre sur la précarité qui frappe toute une classe d’âge a fait son effet.

Bien sûr, l’entreprise s’est excusée dans un communiqué et assuré la jeunesse italienne de son plus grand respect. Mais l’entreprise a tenu bon et maintenu son opération. L’« heureux vainqueur » sera désigné fin septembre.

Les spécialistes du marketing et de la communication se demandent encore pourquoi Carpisa s’est lancé dans un tel fiasco. Comment une opération aux résultats si prévisibles a été proposé et surtout validée. Il faut croire que la course au buzz, qu’il soit bon ou désastreux, prive certains responsables marketing de tout discernement. L’histoire illustre aussi, s’il en était besoin, qu’un marché du travail sinistré donne de l’espace à toutes les outrances.