Les Français sont-ils réellement fâchés avec leur entreprise?

Il paraît que cette année, les Français aiment un peu moins leur entreprise. L’enquête annuelle d’OpinionWay sur le sujet, qui revient à chaque mi-octobre lors de l’opération « J’aime ma boîte », monterait même que l’attachement des employés à leur société n’a jamais été aussi faible : 62%. Pour enfoncer le clou, et décourager au passage les responsables RH, l’étude laisse entendre que les initiatives vertueuses prises ici et là (pour le respect de l’environnement ou le bien-être au travail) ne changent rien à cette panne de désir… Le désamour serait patent concernant les grands groupes (auxquels ne serait attaché qu’un salarié sur deux), mais la flamme brillerait encore pour les TPE (3 employés sur 4 vibrent encore pour elles).

Ce constat guère enthousiaste est à relativiser sur au moins trois points.

1  – Rien n’indique qu’il s’agit d’un mouvement de fond. L’an dernier à la même époque, on se félicitait d’un taux de Français attachés à leur entreprise en hausse de 5 points. Après tout, l’attachement, pour ne pas dire l’amour, n’est pas un sentiment linéaire, pérenne, acquis une bonne fois pour toutes…

2 – L’enquête indique aussi que 65% des Français aiment l’entreprise au sens large. Ouf, pas de divorce en vue entre les salariés et le monde du travail. Le lecteur/commentateur/analyste insistera sur cette donnée s’il veut considérer le verre à moitié plein. Ce que n’a pas manqué de faire Sophie de Menthon ce matin sur les ondes de Sud Radio. Pour la fondatrice du mouvement ETHIC (Entreprises à taille humaine, indépendantes et de croissance), à l’origine de l’opération « J’aime ma boîte » depuis 16 ans déjà, les Français sont même « réconciliés » avec le monde de l’entreprise.

3 – On peut longuement s’interroger sur le sens à donner à l’idée d’« aimer son entreprise ». Est-ce avant tout avoir du plaisir à y travailler ? Est-ce considérer son entreprise comme un lieu d’épanouissement personnel et professionnel ?  Est-ce plutôt apprécier ce qu’elle représente, son image ?  Est-ce plus précisément être en accord avec ses valeurs, ses activités, ses objectifs ?

Et puis, nuance plus philosophique : est-ce bien raisonnable de vouloir quantifier l’attachement à travers une statistique, une proportion globale et finalement peu parlante ? L’amour, fût-il pour une personne morale et non physique, peut-il être réduit à un pourcentage ? Voilà un petit clin d’œil à tous les étudiants de CPGE qui plancheront lors des concours cette année, pour l’épreuve de français, sur le thème… de l’amour, avant d’intégrer dans quelques années… l’entreprise de leurs rêves !