Entreprises, votre message intéresse-t-il les médias ?

Vous souhaitez faire circuler dans les médias une information concernant votre entreprise? Avant d’empoigner votre téléphone et d’envoyer à tous les vents un communiqué de presse, posez-vous la question toute simple mais ô combien cruciale : « mon information va-t-elle intéresser les journalistes » ?

Pour y répondre, voici quelques pistes. Car un journaliste s’intéresse à « l’information, la vraie » et délaisse le reste. Pour reprendre l’exemple ultime volontiers enseigné dans les écoles de journalisme, un chien qui mord une vieille dame, ce n’est pas de l’info. En revanche une vieille dame qui mord un chien, c’est un événement dont on va parler.

Quoi de neuf ? Votre information est-elle  « chaude » ? L’événement ne sera repris que s’il apporte quelque chose de nouveau.

S’agit-il d’un événement concret ? Les médias préfèrent les informations palpables, faciles à cerner et à rapide à expliciter.

Les faits sont-ils précis ? Les journalistes ne s’intéressent guère aux généralités. Ils aiment partir d’un événement précis pour ensuite, dégager éventuellement une réflexion d’ensemble.

Votre information obéit-elle aux lois de proximité que suivent les journalistes ? Ces lois de proximité, au nombre de quatre, sont respectées par les médias lorsqu’ils choisissent et traitent l’information :

– La loi de proximité géographique se résume en « plus un événement se passe près de moi, plus il est susceptible de m’intéresser ». Si votre information concerne un lieu précis, il va interpeller avant tout les populations autour. Il faut en tenir compte dans le choix des médias à solliciter.

– La loi de proximité chronologique : l’intérêt d’un événement dépend de sa place dans le temps. Dans l’ordre, c’est avant tout le présent qui compte, suivi du futur proche. Les événements passés ou dans un futur lointain sont a priori moins intéressants.

– La loi de proximité psycho-affective. Certains sujets, par nature et en fonction des inclinaisons humaines, font mouche et marquent le public. Certains domaines intéressent toujours : tout ce qui concerne la santé, la sécurité, le niveau de vie, les enfants, l’environnement, l’argent, les faits divers…

– Loi de proximité spécifique. Une information intéressera toujours davantage une population qu’une autre, et donc une catégorie de médias plutôt qu’une autre. Votre information est elle locale ou d’intérêt national ? D’ordre économique ? Elle est liée à l’emploi ? La fiscalité ? La sécurité des personnes ? En fonction des réponses à ces questions, vous choisirez les médias adéquats.

Pour être jugé intéressant, et donc constituer une « vraie info », le message que vous souhaitez diffuser doit répondre à un maximum de ces critères. Et au moment de vendre votre info à la presse, n’hésitez pas, justement, à mettre ces critères en avant et en valeur.

Journalistes : mode d’emploi

Il existe différents types de médias (agences de presse, presse quotidienne nationale, régionale, magazines, hebdomadaires, radios, télévisions, internet…) donc différentes catégories de journalistes. Pour autant, il est possible d’esquisser un portrait-robot « du » journaliste, avec quelques traits caractéristiques.

  • Le journaliste est pressé. Ne soyez pas surpris, et encore moins fâché si un journaliste vous semble pressant. Il se bat constamment contre le temps. En presse écrite, il doit rendre son papier avant le bouclage. Dans l’audiovisuel, il doit « mettre en boîte » son sujet avant diffusion. Dans l’audio-visuel, l’avènement de l’info en continu, initiée par France Info en 1987, a considérablement accentué la contrainte de temps qui pèse sur le journaliste. Un journaliste peut solliciter une interview rapide diffusée dans l’heure. L’info en continu s’est imposée en télévision (LCI, iTélé, BFM TV, France 24…) et est même devenue « info en temps réel » avec l’explosion d’internet. Le journaliste doit collecter ses informations tout de suite, les diffuser ou les mettre en ligne et repartir en chercher de nouvelles. De votre côté, si vous souhaitez contacter un journaliste, faites-le en début de journée, il sera un peu plus disponible.
  • Le journaliste sélectionne, synthétise et vulgarise. Vous risquez d’être frustré. Vous avez été interviewé assez longuement et au final, seules quelques phrases vous concernant ont été retenues et sont publiées ou diffusées. Et encore, vous avez l’impression que vos idées ont été simplifiées à l’extrême, avec des raccourcis voire des imprécisions. C’est inévitable, car c’est un autre impératif qui caractérise le fonctionnement du journaliste : il s’adresse à un public souvent très large. Il doit faire simple et court pour capter le maximum d’attention. C’est particulièrement le cas en radio et en télévision, où votre contribution finale sera souvent réduite à 10 ou 20 secondes. Gardez à l’esprit que plus un sujet est technique et complexe pour les profanes, plus il sera vulgarisé au final par les médias grand public. A vous d’anticiper : préparez vos réponses en fonction, et ne soyez pas trop amer en découvrant le rendu final de votre prestation. Bien sûr, si vos propos sont déformés ou tronqués au point de vous faire dire ce que vous n’avez jamais dit, c’est une autre histoire et nous aurons l’occasion d’y revenir…
  • Le journaliste vérifie, recoupe ses sources. Ne soyez pas vexé en apprenant qu’un journaliste à vérifié auprès d’une autre source l’information que lui avez donnée. Cela fait partie de son travail. Tout journaliste qui ne recouperait pas ses sources prendrait le risque d’être « intoxiqué » ou manipulé. Vous n’avez pas été le seul à être interviewé sur un même sujet? Ça ne veut pas dire que le journaliste a voulu diluer votre intervention. C’est simplement qu’il doit proposer au public divers témoignages et points de vue.
  • Le journaliste est tributaire de l’actualité. Vous avez été interviewé… et jamais diffusé ou publié ? N’enragez pas. Il arrive que l’actualité bouscule les prévisions, modifie les urgences. Un article planifié pourra être déplacé, reporté, voire même annulé au dernier moment si un sujet plus brûlant s’impose. Si vous vous sentez frustré, pensez que le journaliste qui vous a interviewé a aussi dépensé son temps pour rien. Son rédacteur en chef a éventuellement modifié tout ou partie de son sujet. Le journaliste a peut-être dû jeter à la poubelle l’article sur lequel il a travaillé! Tout n’est pas perdu pour autant: il reviendra vers vous ultérieurement pour un autre sujet. Vous ferez alors partie de ses contacts.

Quelle relation médias/entreprise ?

« Je me méfie des journalistes, « je préfère éviter d’avoir affaire à la presse, je laisse ça à mon responsable de la communication », « parler aux journalistes, ce n’est pas mon truc, je n’ai pas le temps de toute façon »… Vous êtes nombreux à l’exprimer : les relations entre les journalistes et les entreprises ne sont pas toujours simples. Nombre de dirigeants ou managers se plaignent volontiers de liens tendus, mêlés d’incompréhension, de crainte, de suspicion… Pourtant, ces rapports rugueux peuvent aisément s’apaiser et se dédramatiser.

Bien souvent, les « dérapages » ou « frottements » ont pour origine une communication insuffisante et une méconnaissance de l’autre. D’un côté, le journaliste n’est pas forcément spécialisé dans le monde de l’entreprise et même s’il l’est, il se doit de rester humble et ouvert. De l’autre côté, une personne interviewée connaît parfois peu ou mal le fonctionnement de la presse, le travail du journaliste, ses attentes, ses moyens et ses objectifs. Elle s’en méfie parfois exagérément, considérant plus ou moins consciemment la sphère médiatique comme un monde trouble, pour ne pas dire hostile.

Alors quoi ressemble une bonne relation avec les journalistes ?

Le réponse pourrait se résumer en un mot : l’équilibre. Le journaliste n’est pas votre ami et n’a pas vocation à le devenir. Mais il n’est pas pour autant un tiers obscur qui voudrait vous porter préjudice. Aucun rapport de domination de l’un sur l’autre ne doit s’installer, que ce soit dans la première prise de contact, le temps de l’interview, ou le suivi de la relation, si suivi il y  a.

Le journaliste a besoin de vous pour écrire son article, construire son reportage radio ou télévisé. Vous lui apportez la matière première qui lui permet de travailler et de remplir ses objectifs professionnels, à l’égard de ses lecteurs/auditeurs/télespectateurs et vis-à-vis de sa hiérarchie. De votre côté, vous avez besoin des médias et leur influence pour faire passer un message, améliorer votre visibilité, soigner votre image. En tant qu’entreprise, vous gagnerez énormément à donner efficacement de la voix dans les médias. Penser que vous pouvez vous passer d’eux serait une erreur. Mieux vaut que l’information se construise à travers vous que sans vous.

Chacun a donc besoin des compétences de l’autre. Il est bon de garder en tête cette idée de relation équilibrée pour entretenir une relation apaisée avec le journaliste qui va vous solliciter, ou que vous allez solliciter.

Il ne s’agit pas de prôner naïvement une symbiose comme celle qui unit l’anémone de mer et le poisson clown. Mais d’engager et entretenir avec les médias un lien équilibré, décomplexé. Un lien professionnel, tout simplement.

Comment ruiner son image en 24 heures et 5 leçons

Se jeter dans un very bad buzz vite et bien, c’est facile. Faire haïr son entreprise en quelques heures, l’exposer à l’opprobre générale ? Un jeu d’enfant. Quelques étapes clefs :

1 – Lancer une opération de marketing improbable et désastreuse, en impliquant le grand public.

2 – Utiliser des leviers efficaces qui auront un effet repoussoir garanti. Exemple : adopter une posture mercantile, sans scrupules, si possible avec cynisme. Ne pas avoir peur de l’indécence. Donner l’impression d’escroquer le plus grand nombre. Encore mieux : avoir l’air d’exploiter les faiblesses et les fragilités de son public.

3 – Miser sur l’effet amplificateur et viral des réseaux sociaux, puis des médias grand public via l’intérêt que portent les journalistes à toute « bonne histoire » à raconter.

4 – Communiquer de manière détachée, faussement empathique, pour ne pas tarir l’indignation générale.

5 – Tenir bon, ne surtout pas faire machine arrière et mener l’opération jusqu’au bout.

En clair, pour dynamiter sa réputation, il suffit de suivre l’exemple de Carpisa, une entreprise italienne de maroquinerie. Un cas d’école d’opération marketing, rapporté par Le Monde, qui laisse perplexe. Carpisa a annoncé le lancement d’un « un concours » d’opportunité professionnelle sur le thème « achetez un sac à main et gagnez un stage dans notre entreprise ».  Pour espérer décrocher un stage d’un mois rémunéré à hauteur de 500 euros, les candidats devaient échafauder et présenter un plan de communication pour une nouvelle ligne de sacs… avec l’obligation d’en acheter un. Rémunération dérisoire, obligation d’achat, il fallait déjà oser. Pire : les postulants devaient renoncer à tous les droits concernant leur plan de communication. En clair, Carpisa se réservait le droit d’exploiter et d’utiliser par la suite toutes les idées proposées, y compris (et surtout?) celles des candidats perdants. Evidemment, l’indignation générale a vite grondé massivement, sur Facebook et Twitter, puis dans les journaux grand public.

L’opération est d’autant plus mal passée que le chômage des jeunes est endémique en Italie. Indéniablement, l’impression de faire son beurre sur la précarité qui frappe toute une classe d’âge a fait son effet.

Bien sûr, l’entreprise s’est excusée dans un communiqué et assuré la jeunesse italienne de son plus grand respect. Mais l’entreprise a tenu bon et maintenu son opération. L’« heureux vainqueur » sera désigné fin septembre.

Les spécialistes du marketing et de la communication se demandent encore pourquoi Carpisa s’est lancé dans un tel fiasco. Comment une opération aux résultats si prévisibles a été proposé et surtout validée. Il faut croire que la course au buzz, qu’il soit bon ou désastreux, prive certains responsables marketing de tout discernement. L’histoire illustre aussi, s’il en était besoin, qu’un marché du travail sinistré donne de l’espace à toutes les outrances.