Comment ruiner son image en 24 heures et 5 leçons

Se jeter dans un very bad buzz vite et bien, c’est facile. Faire haïr son entreprise en quelques heures, l’exposer à l’opprobre générale ? Un jeu d’enfant. Quelques étapes clefs :

1 – Lancer une opération de marketing improbable et désastreuse, en impliquant le grand public.

2 – Utiliser des leviers efficaces qui auront un effet repoussoir garanti. Exemple : adopter une posture mercantile, sans scrupules, si possible avec cynisme. Ne pas avoir peur de l’indécence. Donner l’impression d’escroquer le plus grand nombre. Encore mieux : avoir l’air d’exploiter les faiblesses et les fragilités de son public.

3 – Miser sur l’effet amplificateur et viral des réseaux sociaux, puis des médias grand public via l’intérêt que portent les journalistes à toute « bonne histoire » à raconter.

4 – Communiquer de manière détachée, faussement empathique, pour ne pas tarir l’indignation générale.

5 – Tenir bon, ne surtout pas faire machine arrière et mener l’opération jusqu’au bout.

En clair, pour dynamiter sa réputation, il suffit de suivre l’exemple de Carpisa, une entreprise italienne de maroquinerie. Un cas d’école d’opération marketing, rapporté par Le Monde, qui laisse perplexe. Carpisa a annoncé le lancement d’un « un concours » d’opportunité professionnelle sur le thème « achetez un sac à main et gagnez un stage dans notre entreprise ».  Pour espérer décrocher un stage d’un mois rémunéré à hauteur de 500 euros, les candidats devaient échafauder et présenter un plan de communication pour une nouvelle ligne de sacs… avec l’obligation d’en acheter un. Rémunération dérisoire, obligation d’achat, il fallait déjà oser. Pire : les postulants devaient renoncer à tous les droits concernant leur plan de communication. En clair, Carpisa se réservait le droit d’exploiter et d’utiliser par la suite toutes les idées proposées, y compris (et surtout?) celles des candidats perdants. Evidemment, l’indignation générale a vite grondé massivement, sur Facebook et Twitter, puis dans les journaux grand public.

L’opération est d’autant plus mal passée que le chômage des jeunes est endémique en Italie. Indéniablement, l’impression de faire son beurre sur la précarité qui frappe toute une classe d’âge a fait son effet.

Bien sûr, l’entreprise s’est excusée dans un communiqué et assuré la jeunesse italienne de son plus grand respect. Mais l’entreprise a tenu bon et maintenu son opération. L’« heureux vainqueur » sera désigné fin septembre.

Les spécialistes du marketing et de la communication se demandent encore pourquoi Carpisa s’est lancé dans un tel fiasco. Comment une opération aux résultats si prévisibles a été proposé et surtout validée. Il faut croire que la course au buzz, qu’il soit bon ou désastreux, prive certains responsables marketing de tout discernement. L’histoire illustre aussi, s’il en était besoin, qu’un marché du travail sinistré donne de l’espace à toutes les outrances.